9 novembre 2014

Voir Dieu de dos


Voir Dieu de dos...
Michelange - Création de la végétation
Juste après l'épisode du veau d'or, Moïse se tient dans la tente de la rencontre et parle avec Celui qui se cache dans la nuée, comme d'homme à homme. Moïse veut des réponses, Dieu les lui donne, mais il refuse de se montrer dans sa gloire, si ce n'est de dos.

Voir Dieu de dos...
Michelange - Création de la végétation





Lecture : Exode 33,7-23




Prédication du 9 novembre 2014 10h

Chers Amis,
Vous connaissez l'épisode du veau d'or !
Ce serait si simple, si Dieu était concret ! Si l'on pouvait l'adorer, faire sa volonté, parce qu'on la comprend, parce qu'on Le voit et qu'Il nous dit exactement ce qu'il faut faire…
Un dieu à notre échelle. Un dieu qu'on se fabrique soi-même. On met toutes nos ressources ensemble. On les fond comme de l'or, et on en fait un monument qu'on adore. C'est beau. Ça en jette.
L'épisode du veau d'or vient juste avant notre récit d’aujourd’hui.
Et notre récit paraît répondre à la trop grande simplicité de ce dieu immédiat, ce veau d’or qu'on se fait soi-même. La réponse, c’est cet autre Dieu qui vient devant cette tente de la rencontre.
Pourtant là aussi, tout paraît très simple. Une tente, où quiconque peut venir rencontrer Dieu. Une tente un peu à l'écart du camp, pour que la rencontre soit privée, entre Dieu et celui ou celle qui vient Le visiter.
Mais justement, dans la vie, on n’est pas tout seul ! Peut-être que vous pensez que votre vie spirituelle ne regarde que vous…
Quand on est un peuple en marche, qui campe dans le désert et ne sait pas de quoi demain sera fait.
Quand on a un chef et que ce chef n'a pas l'air de savoir non plus. Quand on a faim, quand on a soif, quand on a peur, on s'intéresse à la vie spirituelle de son chef !
On s'intéresse à ce qui peut bien se passer entre Moïse et cette mystérieuse nuée…
« Tout le peuple voyait la colonne de nuée qui se tenait devant la tente et qui parlait avec Moïse ! »
« Mais qu'est ce qu'il se disent?! »
C’est un peu comme des enfants qui écoutent depuis leur chambre leurs parents discuter d'un sujet grave. Les enfants sentent bien que ça les concerne. Mais ils ne saisissent pas tout. Ce qu'ils captent, c'est le ton :
«Le seigneur parlait à Moïse, face-à-face, comme on parle d'homme à homme.»
Mais qu'est ce qu'ils disent ? !
Changement de décor, voici que le récit nous emmène avec Moïse dans la tente. Et nous apprenons le contenu de la conversation.
Et là, plus rien n'est simple !
On est loin des paroles de l’attaché de presse, qui nous dit que les deux Présidents ont eu une « conversation franche et ouverte ».
Non, c'est bien une dispute ! Une dispute entre Moïse et Dieu.
C'est peut-être ça, la différence entre Dieu et le veau d'or ! Dieu ne fait pas ce que nous voulons. Et honnêtement, nous ne faisons pas non plus ce qu'il veut ! Dans la relation avec Dieu, il y a place pour le désaccord, pour la discussion, pour le dialogue ! Et même pour que Dieu se laisse convaincre. Quant à nous ? À chacun de répondre ! Sommes-nous prêts à nous laisser convaincre, à changer d'idée ?
Certains se représentent Dieu comme un tyran. Mais entre Dieu et le veau d'or, je préfère Dieu. Parce que les dieux que nous fabriquons sont autrement plus tyranniques. Alors que nous fêtons les 25 ans de la chute du mur de Berlin, comment ne pas penser aux idéologies qui ont tout d'une divinité, faites de main d’homme ? !
Le communisme, bel idéal devenu un monstre : Il fallait se prosterner devant cette idéologie. Si l'on pensait autrement, on était en danger. On était surveillé, dénoncé comme subversif.
Les idéologies ne sont pas mortes. On en fabrique d'autre. Le veau d'or n'est pas forcément une religion. Les adversaires de toute forme de religion sont parfois pires que le mal qu'ils pensent dénoncer.
Moïse se dispute avec Dieu sur la question de l'avenir de son peuple : « Maintenant, montre nous le chemin, toi qui nous a dit de quitter l'Égypte ! Et puis montre-nous que tu tiens tes promesses ! »
Certains diront : « Mais c'est quand même incroyable ! Moïse, il a tout devant lui ! Dieu lui parle. Il voit la nuée devant lui. Comment peut-il encore douter ? »
C'est peut-être justement que Moïse n'est pas si différent de nous !
Nous lui ressemblons. Nous ressemblons à son peuple. Nous nous faisons du souci pour aujourd'hui et pour demain. Nous prenons au sérieux nos responsabilités.
Moïse voyait les impasses. Nous les voyons aussi. La nuée peut bien être spectaculaire, elle ne répond pas aux questions qui se posent, et Moïse veux des réponses.
« Viendrai-je en personne te donner du repos ? » demande Dieu à Moïse.
Est-ce que c'est une question rhétorique ?
Ou est-ce que Dieu est vraiment en train de dire à Moïse de se débrouiller, d'assumer ses responsabilités tout seul ?
Mais Moïse tient bon : « Si tu ne viens pas en personne, ne nous fait pas monter ! »
Et Dieu concède : « Ce que tu viens de dire, je le ferai ! »
Je le ferai ! Je viendrai en personne ! Je marcherai avec vous !
Mais Moïse veut plus encore. Il veut voir la gloire de Dieu.
Qu'est ce que c'est, cette gloire de Dieu ? En quoi est-elle différente de la nuée avec laquelle Moïse parle comme d’homme à homme, en face à face.
Le mystère ultime ? La lumière derrière la nuée ? Le secret de l'existence ?
Moïse veut voir la gloire de Dieu, et il se heurte à l'interdit.
Oui, Dieu est libre ! Oui, Dieu fait miséricorde à qui il fait miséricorde ! Oui, Dieu tiendra les promesses qu'il a faites à Moïse,  et celles qu'il nous fait à nous !
Mais voir sa gloire de face c'est non !
Pas encore. Au jour de sa mort, oui, mais maintenant, non !
Dieu se dérobe. Dieu parle, il parle avec nous. Mais il ne se montre pas.
Le visage de sa gloire, on ne peut pas le voir.
Plus tard, les chrétiens diront : « le visage de sa gloire, on le voit comme en négatif, dans le Christ crucifié : c'est l'amour de Dieu, jusqu'à l'extrême ! »
Le Christ, c'est l'image du Dieu qui n'a pas d'image…
C'est l'image de Dieu sur la terre… mais son visage dans le ciel nous reste inaccessible.
Mais pourquoi ? Pourquoi cette impossibilité de voir la vérité ultime en face ?
Parce que ce serait aussi la fin de l'histoire ! La fin de l'histoire de Dieu avec son peuple.
Dieu veut que Moïse vive ! Et pour qu'il vive, il ne doit pas voir le visage de la gloire de Dieu !
C'est la seule explication, dans ce récit du moins. Et je vous propose de rester dans la dynamique de ce récit. Ici, pas de référence à la condition humaine. Pas de référence à Adam, à la rupture, au temps où tout était simple entre Dieu et l'homme…
Ici, un Dieu qui veut que l'histoire continue !
Mais un Dieu qui entend la demande de Moïse. Et qui va faire encore une concession :
Il va en quelque sorte protéger Moïse contre lui-même. Il annonce qu'il va passer, il annonce sa présence en personne. Mais il met Moïse à l'abri de la vue de sa gloire.
« Tu me verras, mais de dos ! »
Si vous connaissez le plafond de la Chapelle Sixtine vous avez vu cette partie de la fresque où Michel-Ange montre littéralement le derrière de Dieu, occupé à créer la végétation.
Moïse, qu'est ce qu'il a vu de Dieu ? Son derrière ?
Et nous, qu’avons-nous vu de Dieu ?
Son derrière ? Non, mais les traces de son action !
Et c'est à cause des traces de son amour que nous sommes ici aujourd'hui.
Des traces que l'on voit dans la création, dans l'œuvre de Jésus-Christ, et dans nos propres vies. Des traces que l’on voit dans la communauté que nous formons, qui est l’Église de Jésus-Christ.
Nous aussi nous verrons un jour Dieu face à face. Mais pour l'instant, il est bon que nous vivions. Il est bon que notre histoire continue. Il est bon que nous soyons en chemin avec lui. Il est bon que nous le suivions, à la trace.
Amen

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