15 février 2015

Quand ton fils te demandera


C'est l'histoire d'un enfant juif qui observe le monde, qui regarde comment vivent ses parents, ses amis, son peuple. Une vie réglée par un ensemble de coutumes, de pratiques, de traditions. Cet enfant se pose des questions. C'est logique. Il aimerait savoir le sens des gestes que l'on répète autour de lui. Il aimerait comprendre qui il est, lui, là au milieu!




Lectures : Die Feldmaus Frederick
Deutéronome 6,20-26
Matthieu 13,44-46




Chers Amis,
C'est l'histoire d'un enfant juif qui observe le monde, qui regarde comment vivent ses parents, ses amis, son peuple. Une vie réglée par un ensemble de coutumes, de pratiques, de traditions.
Cet enfant se pose des questions. C'est logique. Il aimerait savoir le sens des gestes que l'on répète autour de lui. Il aimerait comprendre qui il est, lui, là au milieu!
La réponse est un récit : « Nous étions esclaves, Dieu nous a libérés. Il nous a donné un pays, et des règles pour l'habiter de manière juste. »
Tout est fait pour que le scénario se répète à l'infini : « Demain, quand ton fils te demandera : "Pourquoi ces exigences, ces lois et ces coutumes ?" Tu lui diras… ! »
Tu lui raconteras la même histoire, et lui la racontera à ses enfants…
Un monde très simple, avec un récit fondateur, des règles, des coutumes.
Il n'y a qu'à suivre!
  • Et les autres ?
  • Quels autres ?
    Ah, ceux du dehors, ceux d'ailleurs !Et bien ils ont sûrement tort, puisqu'ils ne suivent pas les mêmes règles, et qu'ils n'ont pas les mêmes coutumes !
C'est l'histoire d'un enfant juif… mais existe-t-il seulement?
Peut-être que oui, dans un monde très protégé ? Peut-être chez les ultra-orthodoxes?
Ma fille de bientôt sept ans me pose beaucoup de questions. Mais pas vraiment celle là !
Près de chez sa maman, il y a un centre de jour pour requérants d'asile.
« Papa, qu'est ce qu'ils font, ces gens ? Pourquoi ils ont l'air d'attendre ?
Mes copines disent qu'il ne faut pas s'approcher d’eux, c'est vrai ? »
Et je dois lui expliquer que ces gens sont venus de loin, qu'ils aimeraient bien vivre mieux, qu'ils ne savent même pas s'ils auront le droit de rester, qu'en attendant une décision, ils n'ont pas le droit de travailler. Que l'attente dure souvent des mois…
Je dois lui dire qu'ils ont aussi une famille, souvent loin d'ici. Des parents, des frères et sœurs, parfois une femme et des enfants. Non, ils ne sont pas méchants ! Ils sont loin de chez eux, souvent ils sont tristes et découragés.
Je dois faire à ma fille un récit qui n'a rien d’un récit fondateur, mais qui fait partie du quotidien de nos enfants, confrontés très tôt aux grandes questions de notre temps. Comment vivre ensemble dans la différence ? Ça commence au jardin d'enfants ! Ça continue à l'école, et dans la cour de récréation.
  • «Mon papa, il croit en Dieu!»
  • «Le mien, il dit que Dieu n'existe pas!»
  • «Ma maman dit que Dieu s'appelle Allah, et qu'il faut lui obéir!»
  • «Ma grande sœur ne croit pas en Dieu, mais dans les anges gardiens!»
Pas facile de s'y retrouver ! Mais encore heureux que les enfants en parlent entre eux !
Chez les adultes, on est plus discret. La religion, c'est personnel, nous a-t-on dit !
À moins que ça ne soit tabou.
Un tabou, dans une société qui se croit volontiers sans tabous !
Un peu comme si l'on avait honte de nos récits fondateurs ! Un peu comme si l'on voulait les effacer, et ne vivre que dans le présent, en oubliant nos racines.
Or un arbre est fort par le nombre et la profondeur de ses racines !
Le monde de la cour de récréation pourrait être une image d'une société ouverte à la multiplicité de ses racines. Une société où l'on se raconte des histoires pour réfléchir !
Parmi ces histoires, l’histoire d'un Dieu qui nous veut libres, mérite d'être encore et toujours racontée. « Nous étions esclaves ». L’histoire d’une liberté que l'on ne peut pas simplement décider : elle nous est donnée. L’histoire d’une liberté qui ne va pas sans règles. La question c'est quelles règles sont importantes pour aujourd'hui ?
L’histoire d’une liberté qui ne va pas sans justice. La justice se mesure dans le respect accordé aux plus faibles… c'est là que l'on retrouve ces hommes et ces femmes qui attendent une réponse… ces demandeurs d'asile qui nous dérangent, parce qu'ils sont sous nos yeux l'image d'une injustice qui nous dépasse, mais dans laquelle nous jouons un rôle.
* * *
Mais il faut aussi entendre l'histoire de Frédéric, la souris ! L'histoire des réserves de couleurs et de chansons, de récits qui font du bien pour les temps difficiles. Pour l'hiver où tout est gris. Pour nos hivers spirituels : le temps des grandes remises en question.
L'espoir, il se transmet à travers ce genre de récits. Il se transmet à travers nos cinq sens. À travers l'art. La musique. La peinture. Peut-être aussi quand le pasteur en parle du haut  de la chaire ! Mais aussi quand nous chantons, et simplement par le fait d'être ensemble.
La tradition biblique nous amène nombre de textes porteurs d'espoir. Des prières que nous prions encore, des récits que nous racontons, des prises de position que nous faisons nôtres.
Mais cette tradition n'a de sens que si nous la réinterprétons pour aujourd'hui, si nous la lisons avec un regard critique, si nous osons être sélectifs, si nous acceptons que les convictions évoluent en même temps que les sociétés.
Recevoir le témoignage de celles et ceux qui ont cru avant nous : la Bible en fait partie.
Oser dire, cette fois avec nos mots, ce que nous croyons.
Le dire, le raconter, le chanter, le peindre, le sculpter, le danser !
Et nous projeter vers demain, d'où nous vient l'espoir,
tout comme nous arrive l'air que nous respirons.
Être ensemble les chercheurs d'un trésor plus précieux que tous les trésors,
un trésor qui vaut plus que tout ce que l'on peut posséder.
Être ensemble les chercheurs d'une perle plus belle que toutes les autres.
Être ensemble orientés vers le royaume, qui vient !
Amen

4 commentaires :

  1. J'aime bien ton billet, cher Olivier, mais j'ai un problème qui m'a noué pour la suite de la lecture :-(
    «Et bien ils ont sûrement tort, puisqu'ils ne suivent pas les mêmes règles, et qu'ils n'ont pas les mêmes coutumes !»
    Le judaïsme est une religion paisible et bienveillante, accueillante, et j'ai envie que ce soit cela qui soit transmis. Le judaïsme dit bien plutôt "Nous faisons ce que l'Eternel nous a dit de faire, c'est notre devoir de peuple choisi et libéré – les autres font comme ils veulent".
    On ne peut se permettre de confondre l'intransigeance des fanatiques avec la vérité de la substance elle-même – de la même manière qu'avec l'islam, autre religion paisible et bienveillante, ou qu'avec le christianisme (qu'on ne résumera ni aux croisades, ni à l'inquisition, ni au bûcher de Michel Servet...)

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  2. Bravo Olivier tu as le mérite de parler d'actualité. Que parler de religion soit devenu un tabou transgressé uniquement par les ecclésiastiques et les vieilles personnes est devenu un fait. Oui Jacques de Haller le judaïsme comme l'islam sont des religions pacifiques... dans l'absolu. Or la religion est pratiqué par les êtres humains. Dieu sacré oui mais aucune vision de Dieu ne saurai être sacrée quand en cela elle prétendra se placer au dessus de lui en parlant à sa place.

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  3. Je ne crois pas que vous ayez bien compris mon propos, Nathalie Leroy-Mandart.
    Dans son exemple, Olivier Schopfer ne parle pas de Juifs extrémistes, et donc bien, implicitement, de Juifs "ordinaires" – d'où ma mise au point, car son a priori est faux.
    Et puis, en passant, pourquoi ne mentionnez-vous que le judaïsme et l'islam, pour relativiser leur bienveillance ? Mes exemples "chrétiens" sont-ils trop anciens ? L'Irlande du Nord aussi ? La République Centrafricaine aussi ? Mt 7, 3-5 ;-)

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  4. Jacques, l'enfant juif dont je parle est celui auquel le passage de Deutéronome 6 s'adresse. Un enfant qui grandirait dans un judaïsme originel idéalisé, qui ne serait exposé qu'aux traditions de son peuple et pour lequel "les autres" seraient lointains. Et les propos que je prête à cet enfant reflètent ce que cet enfant aurait pu penser.

    Bien sûr que le judaïsme historique s'est développé dans un autre sens, tout comme plus tard le christianisme, en contact permanent avec d'autres peuples.

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