4 octobre 2015

Méfiez-vous des faux prophètes!


Palais fédéral © Flickr
Les politiciens ne sont pas des prophètes, bien sûr. Leur fonction n'est pas religieuse, ils se gardent bien de parler au nom de Dieu ! Mais, exactement comme les prophètes, ils se prononcent sur l'actualité, sur la société, sur l'éthique, sur les relations internationales. Ils le font en fonction de leurs convictions, du moins c'est ce qu'il faut espérer...
Palais fédéral © Flickr
Prédication du 4 octobre 2015, Berne

Lectures:




Chers amis,
« Méfiez-vous des faux prophètes ! »
Jérémie, lui-même prophète, dit cela aux gens de son temps.
Plus tard, dans son sermon sur la montagne, Jésus adresse le même avertissement aux foules venues l'écouter.
Et ce message nous arrive ce matin, comme s’il nous était adressé à nous. Et en même temps, il nous embarrasse, parce que nous sentons bien que nous sommes dans un temps différent.
D'abord il n'y a plus de prophètes. Ou si peu… Plus de prophètes comme ils ont pu exister au temps de Jérémie, où ils avaient une fonction officiellement reconnue.
À cette époque, les prophètes faisaient en quelque sorte partie de l'appareil étatique. Ils avaient leur place dans la cour du royaume de Juda.
On attendait de qu'ils parlent au nom de Dieu, mais pas dans l'abstrait, pas dans la théorie : on attendait d’eux qu'ils disent la Parole de Dieu sur l'actualité, sur la société, sur la politique, sur la justice, sur les relations avec les autres royaumes !
Les prophètes n’avaient aucune autorité décisionnelle. Mais on leur reconnaissait une autorité morale.
Ça ne veut pas dire que l'on faisait ce qu'ils disaient. Mais on leur donnait le droit de s'exprimer, et ils le faisaient, visiblement pas tous de la même manière, et visiblement souvent en désaccord les uns avec les autres.
Voici donc Jérémie, qui traite ses collègues de faux prophètes…
Vous me direz : « De quel droit ?  Qu'est-ce qui rend sa parole plus autorisée que celle d'un autre ? »
Parole contre parole, à qui faut-il donner raison ? !
Bien sûr, après coup, c'est plus facile.
Par exemple, Jérémie dénonçait les fausses alliances et les compromissions de ceux qui répétaient : « Tout va très bien ! ».
(À l’époque on ne connaissait pas encore Madame la Marquise)
Jérémie sentait venir une menace, et il la reliait non seulement aux volontés belliqueuses des royaumes voisins, mais surtout au comportement de la cour royale elle-même, à la façon dont elle reniait ses valeurs et sa foi en Dieu.
L'avenir lui a donné raison, et c'est pour cela qu'on s'est souvenu de lui, alors qu'on a oublié les prophètes qui ne disaient que ce qui faisait plaisir aux gens.
C'est pour cela que les prophéties de Jérémie sont dans la Bible, aux côtés de celles d'autres prophètes comme Esaïe, Osée ou Amos, eux aussi très critiques de la royauté et de l'État. Sans oublier Elie…
Comme quoi la politique spectacle n'est pas une invention moderne !
D'ailleurs justement : la semaine dernière j'ai trouvé une grosse enveloppe dans ma boîte aux lettres…
La plupart d'entre vous aussi, j'imagine…
Une enveloppe avec le matériel de vote pour les élections fédérales. Avec un extraordinaire choix, tant au niveau du nombre de listes (avec chacune son slogan-choc) que du nombre de candidats, connus ou inconnus !
Vous me direz : « Les politiciens ne sont pas des prophètes. Leur fonction n'est pas religieuse, ils se gardent bien de parler au nom de Dieu ! »
Bien sûr.
Mais, exactement comme les prophètes, ils se prononcent sur l'actualité, sur la société, sur l'éthique, sur les relations avec les pays voisins (aujourd'hui, tous les pays sont nos voisins !). Ils le font en fonction de leurs convictions, du moins c'est ce qu'il faut espérer ! Car ils doivent capter l'attention, être écoutés, créer des adeptes, des gens qui voteront pour eux !
Il y a d'ailleurs un paradoxe dans le fait que les politiciens attendent des Églises qu'elles ne fassent pas de prosélytisme, surtout pas avec le soutien de l'État, alors qu’eux-mêmes sont entièrement voués au prosélytisme, et attendent du même État qu'il leur fournisse une plate-forme pour se faire connaître !
Les partis politiques ont en commun avec les communautés religieuses (paroisses, Églises) d'être des communautés regroupés autour d'un système de croyances et de représentations.
Mais ce n'est pas tout ce qui les unit ! Les partis ont aussi leurs rituels, leur liturgie (si j’ose dire), leurs chantres et leurs prédicateurs. Ils cultivent aussi des valeurs comme l'engagement personnel et le sentiment d'appartenance.
Et puis, ils ont aussi leurs autorités, leur hiérarchie plus ou moins démocratique… sans parler de leur financement, plus ou moins transparent…
Mais alors, qu'est-ce qui les différencie des Églises et autres communautés religieuses ?
À l'époque de Jérémie ou à celle de Jésus, rien ne les différenciait. Les prophètes et leurs adeptes jouaient le rôle de groupes de pression, un rôle qui a été repris aujourd'hui par les partis.
L'idée d'une séparation entre le pouvoir politique et le monde religieux est moderne, il faut le rappeler. À l'origine de cette séparation, il s'agissait de protéger les États démocratiques naissants, devant d'autres formes de pouvoir comme celui des classes privilégiées, ou celui des Églises, comprises comme structures transnationales…
Plus tard, on a développé l'idée, de plus en plus présente aujourd'hui, que la croyance religieuse représentait un danger pour la société. En oubliant que tout système de pensée comporte ses dangers… En tournant les religions en boucs émissaires, alors qu’aucune institution humaine n’est à l’abri des dérives.
* * *
« Méfiez-vous des faux prophètes. »
Cet avertissement qui parcourt toute la Bible, garde aujourd’hui sa portée non seulement dans l'Église, mais aussi dans la société.
Et c'est aussi à nous que Jérémie dit : « Méfiez-vous des paroles qui ne sont dites que pour plaire à leur public. Méfiez-vous des promesses d'avenir radieux. Mais méfiez-vous aussi des discours catastrophistes. Méfiez-vous des simplifications. »
En bref : « Méfiez-vous des discours populistes, quelle que soit leur orientation politique ! »
Mais alors, qui faut-il croire ? Qui faut-il suivre ? Pour qui faut-il voter ?
Jérémie ne donne pas la réponse, bien sûr.
Jésus non plus, même s'il nous dit que c'est à leurs fruits qu'on reconnaît les vrais prophètes, ce qui est déjà une indication importante !
Mais tous les deux nous renvoient à notre propre responsabilité. Ils nous invitent à renoncer à l'idée que c'est simple et facile. Non, le discernement, c'est compliqué !
Mais s’en désintéresser parce que c'est compliqué, est pire encore !
La responsabilité du discernement nous appartient, une valeur chère aux protestants!
Pour le dire positivement : sachons reconnaître ce qui est prometteur, ce qui est constructif, ce qui est porteur du même espoir que celui qui habitait les vrais prophètes d'autrefois !
Des vrais prophètes, il y en a encore !
Amen

Olivier Schopfer

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