15 février 2012

Voyez comme ils diminuent!

Il y a de moins en moins de chrétiens en Suisse, non seulement dans leur proportion par rapport au gens "sans confession" ou aux adeptes d'autres religions, mais aussi en valeur absolue. Toutes les tendances chrétiennes sont touchées. C'est un fait. Chez certaines personnes plutôt hostiles aux religions, cette réalité suscite un contentement abondamment relayé par les médias. Dans les Églises, elle provoque une agitation qui touche parfois à la panique. Pourtant adversaires et sympathisants se retrouvent pour en attribuer la faute aux Églises et à leur personnel: leur message serait inadapté, leur pratique dépassée.

Or la réalité est différente. La diminution du nombre de chrétiens, et tout particulièrement de protestants, s'explique largement pour des raisons démographiques. Alors que d'autres populations augmentent notamment par l'immigration, les protestants qui n'ont que peu d'enfants sont de moins en moins nombreux. S'il y a moins de baptêmes qu'avant, cela s'explique pour trois quart par la diminution du nombre d'enfants, et seulement pour un quart par le fait que certains parents choisissent de ne pas baptiser leur enfant1.

Qu'est-ce que cela signifie pour les Églises? Qu'elles ont grand tort de s'auto-flageller au lieu de comprendre les changements sociaux en cours! Leur position dans la société change, dans la mesure où cette société se transforme et devient inexorablement multiculturelle, comme dans les autres pays occidentaux.

Est-ce un mal? Est-ce la faute des Églises? Non, mais elles risque d'accélérer leur décroissance si elles s'accrochent à une position sociale qui n'est plus la leur. En se prenant pour ce qu'elles ne sont plus, en voulant donner des leçons, elles se coupent des gens qui sont à leur marge, notamment le quart restant de parents qui tendent à renoncer à offrir un parcours religieux à leurs enfants.

Voilà quelques traits de l'Église dont je rêve pour aujourd'hui:
  • Une Église qui s'accepte minoritaire.
  • Une Église qui accepte la société telle qu'elle est devenue, plurielle, laïque, critique.
  • Une Église qui accueille les personnes sans juger de leurs croyances et de leurs choix de vie.
  • Une Église décomplexée et joyeuse, à cause de la bonne nouvelle qui la fait vivre.
  • Une Église qui retrouve sa vocation d'évangéliser, d'annoncer cette bonne nouvelle hors ses murs.

1) Pour les statistiques, voir  "L'avenir des Réformés, les Eglises face aux changement sociaux", par Jörg Stolz et Edmée Ballif, Labor et Fides, 2011, un ouvrage à mon avis beaucoup plus intéressant que "Turbulences" dont on parle trop en ce moment. La référence sur les baptêmes est à la page 77. 

3 commentaires :

  1. bien d'accord avec toi Olivier
    en même temps cette Eglise minoritaire est elle-même plurielle, contradictoire, complexe

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  2. D'accord avec ton billet et le commentaire...

    J'ai pour ma part grandi dans deux Eglises déjà minoritaires en ce temps-là, la thématique m'est bien connue (diaspora hongroise en Suisse et "disséminés" romands à Berne comme disait un de nos anciens pasteurs). Il faut qu'on puise nos forces malgré, avec et dans nos situations de vie, non seulement en tant qu'individus, mais aussi en tant qu'Eglise.

    Quant à Jörg Stolz (il faut décidément que tu me prêtes "Turbulences"), j'espère bien qu'il publie des livres intéressants, on n'a pas beaucoup de références en matière de sociologie des religions en Suisse (et je sais de quoi je parle). Dit-il combien nous sommes à rester dans une pratique tout en ne baptisant pas nos enfants? (Tiens, encore une minorité pour ma part...)

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    1. Il y a des choses que l'on ne peut pas mesurer facilement, par manque de sources de données. En matière de registres informatisés, chaque Eglise réinvente la roue. Il y a des trous incroyables. Par exemple, l'EERV s'est entièrement reposé sur le registre de l'Etat et réalise seulement maintenant qu'elle a perdu la trace de beaucoup de personnes actives, mais qui ne se sont pas déclarées comme protestantes. Comment mesurer combien de gens "restent dans une pratique". Quant aux sondages, ils coûtent cher...

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