2 mars 2014

Des églises à vendre

Eglise française
Vous avez peut-être lu dans le Bund lundi dernier, l'article qui parlait des difficultés de l'église réformée bernoise avec son propre héritage : ces bâtiments, dont le coût d'exploitation est un boulet trop lourd à tirer. Que faut-il faire de toutes ces églises et tous ces centres paroissiaux qui coûtent trop cher ! Faut-il les vendre ?


Eglise française
Prédication prononcée le 2 mars 2014


Lectures : Esaïe 49,1-6
                  1 Corinthiens 3,16–23
                  Matthieu 8,5–13



Chères Paroissiennes, chers Paroissiens,
chers Visiteurs, chers Amis,


Jésus prend en modèle la foi d'un centurion romain, qui a cru à l'autorité du Christ, une autorité qui a force même contre la maladie et la mort.
Il oppose cette foi du centurion étranger, à l'absence de foi des héritiers officiels de la promesse: le peuple de Dieu, les descendants d'Abraham.
Voici des héritiers qui ont mal à leur héritage ! Il leur pèse. Ils ne savent plus très bien qu’en faire. Et Jésus leur dit que cet héritage pourrait bien finir en d'autres mains !

Vous avez peut-être lu dans le Bund lundi dernier, l'article qui parlait des difficultés de l'église réformée bernoise avec son propre héritage : ces bâtiments, dont le coût d'exploitation est un boulet trop lourd à tirer. Que faut-il faire de toutes ces églises et tous ces centres paroissiaux qui coûtent trop cher ! Faut-il les vendre ?
Que faut-il faire de notre héritage, notre église française ? Faut-il la vendre ?

La Bible n'est pas un livre de recette, qui nous apporterait des réponses toutes faites à ces questions. Et le culte n'est pas le bon moment pour discuter d’un sujet qui a aussi une dimension politique. Il y aura des occasions de le faire, comme lors de la séance de dialogue du 18 mars, à laquelle vous êtes tous invités.
Mais la tradition biblique peut nourrir notre réflexion sur la relation entre notre foi (notre espoir, notre raison d'être) et notre héritage, celui que nous avons reçu des générations qui nous ont précédé, avec ses aspects matériels, par exemple cette église française, dans laquelle nous nous trouvons.

Or ce message est dérangeant, parce qu'il va toujours dans le sens de l'élargissement. Comme Dieu le dit par la bouche de son prophète Esaïe :
« C'est trop peu, mon peuple, que tu sois pour moi un serviteur,
en relevant les tribus de Jacob et en ramenant les préservés d’Israël.
 Je t'ai destiné à être la lumière des nations ! »
C'est trop peu ! C'est trop peu de se contenter de l'héritage. Il faut voir grand ! Il faut voir jusqu'aux extrémités de la terre !

L'apôtre Paul renchérit en parlant de la nécessaire folie, qui doit nous conduire à dépasser ce qu'il appelle la « sagesse de ce monde ».
 La sagesse de ce monde va toujours dans le sens de la préservation des biens acquis : « notre église nous appartient ! »
Mais c'est une logique du repli, celle d'une église qui part perdant !

A qui les églises de la ville de Berne appartiennent-elles ?
Je ne m'intéresse pas ici à la réponse juridique à cette question, à savoir (en gros) que les églises appartiennent à la paroisse générale de Berne…
Je m'intéresse à la question de fond, de principe.
À qui appartient cette église française, qui est la plus ancienne encore existante de la ville de Berne ?
Qu'en penserait Esaïe ? Qu'en penserait Paul ? Qu'en penserait Jésus ?

N'est-ce pas dans la nature d'une église d'appartenir à tout le monde ?

En tant que monument historique, cette église appartient à ceux qui la visitent, indépendamment de leurs convictions !
Elle appartient en particulier au peuple bernois, qui y a inscrit une partie de son histoire, et à la communauté francophone pour qui elle a une signification particulière.
En tant que lieu de concert, cette église appartient aux artistes et à ceux qui viennent les écouter !
Elle appartient en particulier aux producteurs de concerts !
Et en tant que lieu de culte, cette église appartient à ceux qui viennent y adorer Dieu !

Bien sûr, le vrai problème n'est pas à qui appartient telle ou telle église : un monument historique n'a pas de valeur marchande. On peut en transférer la propriété pour un franc symbolique. Le problème est de savoir qui paye les frais ! Et on part du principe que c'est le propriétaire !
Actuellement, c'est comme si la paroisse générale, c'est-à-dire nous, subventionnait largement l’utilisation de cette église comme lieu touristique et comme lieu de concert!
Mais si on demande aujourd'hui à l'Église de se concentrer sur sa mission, alors ça ne va plus !
Si la société souhaite que l'église relève plus du domaine privé que du domaine public, ça ne va plus non plus !

Alors il faut rediscuter de la question « à qui appartiennent les églises-bâtiments ! »
Il faut le faire sans tabou, en se souvenant que les propriétaires sont d'abord ceux qui doivent payer.
Être propriétaire d'un bien culturel est souvent un cadeau empoisonné !
Il vaut parfois mieux être locataire !
Et c'est là que les paroles de l’apôtre Paul font du bien, quand il rappelle que le seul lieu vraiment sacré, c'est nous !
« Vous êtes le temple de Dieu et l'esprit de Dieu habite en vous !
Le temple de Dieu est saint, et ce temple, c'est vous ! »

*****
Jésus entrait dans Capharnaüm quand un centurion s’approcha de lui et le supplia en ces termes : « Seigneur, mon serviteur est couché à la maison, atteint de paralysie et souffrant terriblement ».
Je m'imagine ce serviteur, couché, paralysé.
Les mots les mots jouent dans ma tête : il est immobilisé, comme un bien immobilier. Er ist liegend, wie eine Liegenschaft. Les mots sont forts ! Un bâtiment est quelque chose d’immobile, un immeuble, comme couché là, comme paralysé !
Le centurion se faisait du souci pour son serviteur immobilisé, parce qu'il l'aimait. Parce qu'il partageait sa souffrance. Parce qu'il avait peur de le perdre !
Nous aussi nous sommes touchés par ces questions de patrimoine. Un bien immobilier ne peut pas se défendre tout seul ! Nous aussi nous avons peur de perdre quelque chose ! Une église dont on s'est occupé pendant des années c'est un peu comme un enfant !
Nous aussi, nous amenons notre préoccupation devant Jésus-Christ, dans la prière !
Jésus dit au Centurion : « Moi, j'irai guérir ton serviteur ? »
Jésus nous dit : « Moi, j’irai régler vos problèmes de finances ? »

Et le centurion de répondre avec cette parole fameuse : « Je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement un mot, et mon serviteur sera guéri ».
Et nous ? Que répondons-nous ? Quelle est notre confiance ? Sommes-nous plutôt du côté de ceux qui vont venir du monde entier prendre place au festin d'Abraham, ou plutôt du côté des héritiers qui ont peur pour leur bien ?
Car à nous aussi, Jésus dit : « Rentre chez toi, et qu’il te soit fait comme tu as cru ! »
Qu’il nous soit fait selon ce que nous avons cru… mais en quoi avons-nous cru ?

L'histoire se termine sur la guérison du serviteur immobilisé : il se lève !
Qu'en sera-t-il pour nos églises ? Les verrons-nous aussi ne plus être des « immeubles », des Liegenschaften, mais se lever et prendre vie ?
Peut-être dans la ville céleste !

Amen

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